Framework “AARRR”

Si vous avez entendez parler des startupers, il y a des chances que vous les entendiez parler de « AARRR ». N’ayez pas peur, ce n’est pas un cri de pirate (même si ça s’en inspire), c’est le nom d’un « framework » très connu résumant le parcours de vos utilisateurs du moment où ils vous connaissent jusqu’au moment où ils deviennent vos clients et vous recommandent.

Inventé par Dave McClure, c’est maintenant une référence incontournable en marketing, surtout pour les startups.

Qu’est-ce que AARRR ?

La première mention du framework que j’aie trouvé est cette présentation par Dave McClure (qui avait notamment été directeur marketing de Paypal entre 2001 et 2004) de 2007:

Startup Metrics for Pirates: AARRR! – Dave McClure

Le framework

Je me baserai surtout sur la présentation initiale de McClure.

L’intérêt est de voir comment les différentes étapes du parcours client interagissent et de tester chacune spécifiquement, tout en gardant en vue l’ensemble de la chaine. Vous pouvez avoir beaucoup de succès à ramener des gens sur votre site avec une bonne pub Facebook et repartent presque tout de suite (=activation manquée).

A/B tester et le fonctionnement par itération sont centraux.

Acquisition

L’acquisition se produit lorsqu’un utilisateur vient, depuis vos divers canaux (Réseaux sociaux, référencement naturel …), sur votre site (ou landing page, etc.).

Activation

On parle d’activation lorsque l’utilisateur interagit avec votre site, a une « heureuse » expérience utilisateur.

Rétention

La rétention consiste à ce que l’utilisateur revienne sur le site plusieurs fois.

« Twitter realized that once you followed 30 people you were more likely to come back so they suggest popular accounts when you sign up. Dropbox saw that users who uploaded at least one file were much more likely to use Dropbox again and so, you guessed it, they encourage you to upload a file during signup. »

Melanie Balke, AARRR Framework- Metrics That Let Your StartUp Sound Like A Pirate Ship, traduit de l’anglais

On sous-estime souvent l’importance de cette étape, surtout quand on débute. Une étude a par exemple observé qu’une augmentation de la rétention de 5% avait augmenté la rentabilité de 25 à 95%.

Sur le sujet, la Harvard Business Revue a publié un excellent article.

Recommandation (referral)

L’utilisateur recommande votre site à d’autres personnes.

Revenu

L’utilisateur paye pour votre produit.

Voilà comment il schématise l’ensemble :

Customer Lifecycle / Conversion Behavior Website.com 4. REFERRAL Emails & widgets Campaigns, Contests 5. Revenue $$$ Biz D...
https://fr.slideshare.net/dmc500hats/startup-metrics-for-pirates-long-version/3-Customer_Lifecycle_Conversion_Behavior_Websitecom

AARRR et le growth hacking

Le framework AARRR et le growth hacking sont extrêmement proches. Comme nous l’avons vu, le premier a pour objet d’étudier plus en profondeur le tunnel de vente pour expérimenter et l’améliorer. Le second désigne d’une part la pratique de trouver des « hacks » (pratique de communication non-orthodoxes) permettant d’avoir une croissance importante à un prix minimal et d’autre part un état d’esprit, consistant à évaluer précisément toute la commercialisation.

Les deux notions tendraient même à n’être qu’une seule, ainsi pour F.Canevet et G.Gambatto,

“Le Growth Hacking, ce n’est pas que générer du trafic, c’est optimiser la globalité du cycle des ventes de manière rationnelle, de la génération de prospects au renouvellement, en passant par l’utilisation et le buzz. C’est ce qu’on appelle le schéma AARRR.”

Grégoire Gambatto et Frédéric Canevet, « Growth Hacking : 8 semaines pour doubler le nombre de vos prospects”, Emplacement 96

pour Sean Ellis (et plus largement l’article wikipedia):

« Concept importé des États-Unis, le mot apparaît en 2010, créé par Sean Ellis, le fondateur de growthhackers.com. Le growth hacker ou pirate de croissance tente d’optimiser le tunnel de conversion en optimisant chaque étape de ce cycle par des expériences permettant de faire grandir l’entreprise. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Growth_hacking

et pour définitions-marketing.com !

« Littéralement « piratage de croissance », le growth hacking est le plus souvent défini comme une stratégie, un ensemble de techniques marketing, voire même un état d’esprit permettant d’assurer à l’entreprise une croissance forte et à faible coût. Il est souvent illustré par l’initiale anglaise AARRR pour Acquisition, Activation, Rétention, Referral et Revenu. »

https://www.definitions-marketing.com/definition/growth-hacking/

AARRR et son contexte

Petite histoire

Toyota, en posant les fondations du Lean manufacturing a initié la vague Lean qui a submergé le management. Cela ne semble pas tant être un changement sur le plan des principes (on cherche à optimiser la production, comme toujours) que sur le plan des pratiques.

On décortique très finament pour écarter ce qui est « sans valeur », la surcharge de travail inutile, le surplus inutile de stocks, etc. Bref, c’est un approfondissement considérable des théories managériales du début du XXe siècle.

La vraie nouveauté est sans doute le principe d’amélioration continue et l’idée que « la résolution des problèmes se passe sur le terrain avec les acteurs ». Il faudra donc définir des Key Performance Indicators (KPI) qui permettront d’évaluer les progrès. (Plus d’informations ici)

Cette « nouvelle » philosophie a été importée au monde de la création d’entreprise par Eric Ries, dans le très fameux « The lean startup ». Il a constaté que beaucoup d’entrepreneurs restaient dans leur coin, faisaient leur produit, et échouaient parce que, au bout du tunnel, ils n’avaient pas de product-market fit. Contre cela, il prone le fait de créer des MVP (produit minimal viable) et de tester le marché le plus vite possible, puis d’itérer. Ce livre est l’un des plus importants de la sphère startup.

Le cycle d’itération
Crédit: Eric Ries, The lean startup

C’est dans ce contexte que sont nés AARRR et le growth hacking. Il est difficile de ne pas voir la parenté, d’abord entre ces deux notions, puis entre celles-ci et la démarche lean. Il s’agit, en effet, ici aussi de limiter au maximum les dépenses (inutiles) et d’améliorer constamment les processus. Au fond, on sent se dessiner un mouvement global, avec la méthodologie agile, d’optimisation des processus (ce qui est la base du management depuis longtemps du reste):

  • La démarche lean pour le développement du produit
  • Le growth hacking et AARRR pour la commercialisation
  • La méthode agile pour le management

On peut toutefois se demander sur le growth hacking n’est pas un élément de la démarche lean. D’ailleurs, M.A. Roldán Correa en parle comme des « lean analytics » dans sa thèse. Mais c’est pousser un peu trop en profondeur, nous verrons cela une autre fois.

Pourquoi c’est super

AARRR permet de détailler le parcours des utilisateurs. Chaque phase gagne ses sets d’outils et de contenus. Cela facilite grandement le travail de veille: vous savez que votre problème est la rétention ? Vous allez voir ce que font les autres sur ce point spécifique. Le simple fait de nommer ces étapes permet d’améliorer considérablement la recherche d’infromation.

Cela permet également de vulgariser plus facilement et de faciliter le conseil. Bref, cela améliore considérablement la visibilité sur les différents aspects de votre communication / commercialisation.

Critiques

Cet outil est néanmoins loin d’être parfait.

Le risque de vision fractionnée

Tout d’abord, il porte également le risque d’être mal interprété et qu’on oublie la vision d’ensemble.

Je me demande, du reste, si son utilisation optimale, plutôt que d’être centrée sur l’entreprise (voici le tunnel de vente de l’entreprise) ne devrait pas être centrée sur chaque « type » d’utilisateur (voici les tunnels de vente).

Une séquence floue

Ensuite

Par exemple, selon Junto, s’inscrire à une newsletter est une « activation », alors qu’en revenant au propos de McClure cela semble être plutôt dans « rétention ».

Ce flou est évident lorsqu’on réfléchit à l’après vente: qu’en dit ce framework ? Il s’arrête quand le client achète, est-ce à dire que le produit peut être médiocre ? C’est d’autant plus inadéquat si on parle, par exemple, d’un SaaS, dont le principe même est de garder longtemps les clients.

Un ordre discutable

On peut se demander pourquoi « revenue » vient après « referral ». En effet, ce sont souvent les clients satisfaits qui, ensuite, vont parler du produit autour d’eux. Par exemple, M.A. Roldán Correa inverse Revenue (qui devient 4e) et Referral (qui devient 5e).

En même temps, c’est aussi discutable. Imaginez vous avez un site d’information où vous publiez vos livres et formations: on peut très bien recommander vos articles sans acheter vos produits.

Conclusion

C’est une perspective extrêmement intéressante, mais il faut garder à l’esprit ses limites pour qu’elle ne soit pas contre-productive (ce qui est un peu le principe de n’importe quel outil: n’allez pas sur l’autoroute avec une trotinette, ne faites pas du surf sur votre planche à repasser …).

Exemples d’articles sur le sujet

Grand public

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