[Livre] Zero To One (synthèse brute)

Zero to one, de Peter Thiel, est un classique de la littérature startup. En voici une synthèse suivant le déroulé du livre, que je qualifie de « brut ».

Zero to One, la synthèse brute

Nous sommes éduqués à voir un monde standardisé et balisé, dans lequel les singularités et les mystères ne sont que des anomalies, des accidents : « il n’y a plus rien à inventer, on ne peut plus passer de 0 à 1, seulement de 1 à n (= améliorer ce qui existe déjà) ; tous les monopoles sont donc déjà nés. »

L’économie et la finance se sont bâties sur cette idée : si on sait déjà à peu près tout, il suffit de suivre les règles existantes pour prospérer. C’est l’avènement des entreprises sans but précis.

Peter Thiel dénonce frontalement ces mythes et toute la culture qu’ils emportent et propose une vision de l’entreprise en rupture avec eux.

Pour réussir, une entreprise devrait viser la création de monopoles et avoir la politique commerciale pour ; avoir un but et avoir une équipe d’une culture commune et fédérée autour dudit but.

1. L’éloge du monopole

La compétition détruit les profits, empêche les entreprises de se soucier d’autre chose et les pousse à se faire la guerre (vu qu’elles se battent pour le même « terrain »). Créer un monopole doit donc être l’objectif d’une entreprise, tant sur le plan social qu’économique.

Cela implique de trouver un marché pertinent suffisamment petit pour pouvoir en obtenir le monopole, puis de proche en proche de l’étendre. Ainsi, Amazon s’est attaqué à la vente en ligne de livre et a ciblé les personnes éloignées d’un libraire avant de répéter cela pour les Cds/Films, avant de s’étendre encore et de devenir la marketplace hégémonique qu’on connaît.

Cela implique aussi qu’être le dernier entrant peut être la solution gagnante. Vous aurez plus d’information et il y a souvent une niche où commencer. Une fois que vous l’avez conquise, vous êtes en position de force pour attaquer le marché plus grand (duquel vous étiez dernier entrant donc).

Enfin pour trouver des monopoles, il faut trouver des secrets et le meilleur endroit où regarder est là où personne ne regarde.

2. L’éloge de la vente

Thiel s’attaque à un autre mythe fréquent dans la sphère startup et, surtout, chez les ingénieurs : la vente serait inutile. Le bon produit trouverait son client, un bon projet son investisseur et ses employés.

En réalité, la vente est déterminante dans tous ces cas et doit être pensée en fonction de la cible. Par exemple, plus le montant d’une vente est important, plus on peut/doit y accorder de temps/d’argent : c’est Elon Musk lui-même qui a négocié un accord de la NASA sur la production de fusées. Cela implique que si vous n’avez pas de stratégie commerciale viable, votre projet est voué à l’échec.

Cela implique que les startups doivent éviter les ventes d’une valeur inférieure à ce qui justifierait l’emploi d’une force commerciales … sauf si elles peuvent avoir une approche virale. En effet, ne pouvant pas gagner la compétition contre les budgets publicitaires des grosses boites, il vous faut jouer un autre jeu et faire de vos utilisateurs des vendeurs.

3. L’éloge du but

Sans but, vous êtes comme un navire sans boussole : vous arriverez peut-être quelque part, mais c’est laisser faire la chance. Avoir un but, un démarche définie à l’égard du futur, donne de la force à votre projet et vous permet d’innover. C’est déjà un facteur différenciant dans le monde actuel.

Ce but doit respecter la « power law », l’idée que 20 % de vos efforts vous rapporteront 80 % de vos bénéfices, que ce soit dans votre choix du marché ou de l’allocation de son temps et de ses ressources.

C’est de la force de cette règle en matière de VC que thiel a dégagé une règle générale : chaque investissement doit être capable de rentabiliser le fond entier. Cette logique touche aussi le temps et l’énergie : les démarches vagues consistant à jeter son temps dans une multitude de directions ne sont pas viables, on n’a qu’une vie et on doit allouer ses ressources intelligemment

4. L’éloge de la mafia

Pour atteindre ce but, il faut un équipage impliqué, une mafia fédérée autour de ce but et d’une culture d’entreprise forte.

Cette fédération dépasse le seul cadre de l’entreprise ou du profit. Si vous travaillez ensemble, c’est d’une part parce que vous avez le même but (remplacer le dollar pour Paypal), mais en plus parce que vous voulez l’atteindre ensemble. Cela implique qu’un ensemble de références culturelles vous unissent. Pour Paypal, cela a par exemple été une certaine culture Geek.

Cela doit aussi guider le recrutement, qui est une tâche coeur, indélégable par le dirigeant. Vous voulez que vos nouveaux entrants soient aussi motivés par votre but et qu’ils veuillent l’atteindre avec vous. La question de la rémunération doit être secondaire : vous ne pourrez pas gagner cette guerre contre les acteurs établis.

Enfin, pour que cette fédération soit possible, il faut que les intérêts soient alignés, pour que toutes les forces soient orientées vers le but et non perdues dans des luttes intestines, comme dans les grandes entreprises, où direction, employés et capital ont des intérêts contraires.

En même temps, vous devez récompenser vos collaborateurs. Tout cela implique que l’equity soit au centre des rémunérations. Ainsi, tout le monde est incité à ce que la société réussisse sur le long terme.

Il faut également un management clair. Pour Thiel, la réponse a été d’attribuer une responsabilité exclusive à chacun.

5. Conclusion et cas d’école

Thiel dégage de tout cela 7 conditions au succès d’une startup :

  • Engineering : Pouvez vous créer une technologie révolutionnaire et non une simple amélioration ?
  • Timing : Est-ce que c’est le bon moment pour se lancer ?
  • Monopoly : Est-ce que vous commencez avec une grande part d’un petit marché ?
  • People : Est-ce que vous avez la bonne équipe ?
  • Distribution : Avez-vous une manière efficace d’atteindre votre cible ?
  • Durability : Pourrez vous tenir votre position pendant 10 ou 20 ans ?
  • Secret : Avez-vous identifié une opportunité unique que les autres ne voient pas ?

L’échec des entreprises de production d’énergie photovoltaïque est un cas d’école où rien n’allait. Il n’y avait pas d’amélioration technologique significative (le rendement n’a augmenté que de 6 à 25 % depuis … 1954) ; les dirigeants étaient souvent des commerciaux, alors que les problèmes étaient éminemment techniques ; les subventions de la Chine, qui a enterré les initiatives occidentales, étaient prévisibles, etc.

Ce n’est pas une grande cause qui fait une bonne mission. La bulle cleantech est l’un des échecs du « social entrepreneurship » et en a une des caractéristiques principales : une myriade d’acteurs semblables en compétition pour un seul grand but.

Au contraire, Tesla est l’une des rares entreprises cleantech à être viable et à avoir prospéré. Sa technologie est si bonne qu’elle est utilisée par de nombreux constructeurs ; elle a obtenu un prêt d’un demi Md$ juste au bon moment, avant le désastre de Solyndra ; Tesla a commencé dans le marché des voitures de sport électriques haut de gammes ; le CEO est un ingénieur et vendeur confirmé ; Tesla a fait le choix de contrôler de bout en bout sa distribution, etc.